C’est toujours agréable, au réveil et après avoir passé une soirée sympa, de recevoir un mail de France Travail ayant pour objet « Avertissement avant sanction ». Vous allez peut-être me trouver sensible, mais je ne vous cache pas que ça m’a plutôt mise de mauvais poil.
Quand j’ai enfin pu accéder au-dit courrier (parce que France Travail envoie une notification mail d’envoi d’un courrier électronique, mais le contenu du courrier électronique en question n’est disponible, lui, que sur notre espace personnel), j’ai lu que mes démarches pour retrouver un emploi était insuffisantes et qu’il fallait que j’envoie des preuves que je ne suis pas complètement un parasite qui bénéficie des aides sociales.
Rappelons quand même à toutes fins utiles que j’ai cotisé pour toucher cette assurance chômage et que l’indemnité en question est un pourcentage assez misérable de mon dernier salaire (assez misérable lui aussi). On parle quand même d’une indemnité allant de 760 à 800 €/mois pendant un an avec laquelle je suis supposée pouvoir me loger, me nourrir, m’assurer, bref mener une existence à peu près correcte dans ce monde de merde. Je n’avais pas spécialement prévu de rentrer dans le détail, mais je pense que ça ne fait pas de mal de rappeler les bases.
Il se trouve qu’à l’heure où j’écris ces lignes, je n’ai plus de droits au chômage, je n’ai donc plus d’indemnisation (il reste un reliquat des deux premières semaines de novembre que France Travail me versera début décembre, autant dire peanuts) alors leur avertissement avant sanction m’en touche une sans faire bouger l’autre1, mais je suis tout de même à chaque fois ébahie de la façon dont l’administration traite les gens.
Être au chômage depuis longtemps, c’est complètement naze. Ne pas réussir à trouver un travail, c’est déprimant. Personnellement j’ai, depuis un an, considérablement perdu en confiance dans ma capacité à me faire à nouveau embaucher quelque part. Alors que je fais partie des personnes privilégiées, que je suis qualifiée et que j’ai un entourage capable de me soutenir financièrement, je me sens peu à peu m’embourber dans cette précarité avec de moins en moins de chances de m’en sortir.
Mais outre les angoisses qui me sont propres, je suis scandalisée de la façon dont notre société traite les personnes précaires et ça me donne vraiment des envies de violence. J’ai fait des études d’histoire de l’art et j’ai décidé de me lancer ensuite dans une thèse d’histoire à 29 ans, je connais la précarité professionnelle depuis le début de mon entrée dans le monde du travail donc j’ai connu les joies de l’ANPE, de Pôle Emploi puis de France Travail depuis quelque chose comme quatorze ans et la façon dont on traite les chômeurs et chômeuses comme s’iels étaient des présumé·es coupables me plonge dans une rage inépuisable. Coupables de profiter du système, coupables de ne pas servir le capital, coupables de ne pas jouer le jeu de la société alors que c’est cette putain de société malade qui CRÉE le chômage.
Je ressens une colère telle que la seule façon de l’extérioriser qui ne serait pas répréhensible d’un point de vue judiciaire serait de le faire dans une rage room, sauf que je n’aurais aucune satisfaction à détruire des objets quand les responsables des injustices en question dorment sur leurs deux oreilles. Bref, let’s go dans un refuge qui nous empêche de nous consumer.
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Kiffer l’écriture
Parce qu’à l’origine, moi, je passais plutôt une bonne semaine. Mes dernières sessions d’écriture avaient été particulièrement satisfaisantes et je venais de commencer à me familiariser avec Notion, ce qui, pour la dingo d’outils numériques d’organisation et de CMS que je suis est du pain béni. Il arrivera sans doute un moment où je vous parlerai de Notion dans une prochaine lettre, mais pour l’instant, concentrons-nous sur l’écriture.
Après avoir enfin terminé la réécriture et les corrections du chapitre 6 des Mirages d’Abalon, j’ai fait un petit retour en arrière pour me pencher sur une problématique soulevée par Claire2 sur le personnage de Géryl.
Claire estimait que Géryl connaissait une transformation trop brutale à laquelle on ne croyait pas vraiment et qu’il fallait mieux l’amener. Elle me l’avait déjà dit lors de sa première relecture, mais parfois, il y a des solutions qui mettent du temps à se présenter à nous. La première fois, je n’ai pas su comment faire ces modifications et j’avais très légèrement retravaillé la psychologie de Géryl. À sa deuxième relecture, Claire est revenue à la charge en listant plusieurs intérêts que des modifications pourraient avoir pour mon récit et ça a fait tilt : j’ai su comment faire pour modifier le personnage tout en ne m’infligeant pas une trop grosse somme de travail.
La solution trouvée est la suivante : comme cette transformation de Géryl prend place sur seulement deux chapitres, j’ai ajouté une scène à la fin du premier et une scène au milieu du deuxième pour amener plus progressivement le lecteur à comprendre le choix qu’elle fait et qui va amener un bouleversement dans sa vie.
Sans fausse modestie, j’étais super contente de moi. J’avais bien chaque scène en tête, les personnages étaient clairs pour moi et des sessions d’écriture comme ça, on en voudrait tous les jours. À l’heure où j’écris, Claire n’a pas encore relu ces corrections, donc ce n’est peut-être pas encore parfait, mais c’est en tout cas mieux que ça n’était et c’est, je trouve, ce qu’il y a de plus satisfaisant dans le processus de corrections d’un roman.
C’est amusant, parce que lors de la première réunion de mon cercle littéraire3, l’un des camarades nous expliquait qu’il écrit toujours plusieurs versions de ses textes, mais sans jamais avoir l’impression d’une amélioration entre chaque. Il a le sentiment, lui, que la réécriture est une nouvelle proposition, mais qu’elle n’est pas forcément plus valable que la précédente. Je trouve ça amusant parce que je pense que si de mon côté il n’y avait pas le sentiment d’améliorer l’existant, je ne prendrais pas autant de plaisir à la réécriture de mes textes.
Évidemment, ce que l’on appelle « amélioration » contient une part de subjectif. Par exemple, après avoir faire lire une première version de mon premier roman4 à quelques ami·es puis l’avoir beaucoup modifié pour en faire la version aujourd’hui en ligne, mon amie Marie m’avait dit qu’elle trouvait dommage certaines de ces transformations, parce qu’elle avait, elle, bien aimé un chapitre que j’avais décidé de complètement remanier. Ce qui était pour moi une amélioration ne l’était pas forcément pour elle.
Ce que j’enlève n’est pas forcément ce que je trouve mauvais, mais plutôt ce qui ne me permet pas d’atteindre un objectif (que ce soit faire avancer l’histoire, développer la psychologie d’un personnage, donner des détails sur le monde, faire ressentir telle ou telle émotion…). Je suis dans une quête d’amélioration perpétuelle et je pense que c’est un état d’esprit qui me nourrit beaucoup. Le document des passages supprimés de mon roman en cours fait 133 pages soit 49 000 mots et je dois dire que j’éprouve une certaine satisfaction, et même d’ailleurs une réelle fierté, d’avoir réussi à effacer autant de déchets de mon texte.
Si vous écrivez vous-même je suis curieuse de connaître votre rapport à la réécriture et à l’amélioration de vos textes. N’hésitez pas à me raconter ça en répondant à cette lettre.
Je vous remercie de m’avoir lue.
À dimanche prochain.
Cette semaine sur le blog
Pardonnez-moi, j’adore cette expression.
Au cas où vous débarquiez par ici, Claire est ma relectrice officielle et elle me fait des retours très précieux.
Il faudra que je vous parle un jour de ce cercle littéraire.